Segodnya. 1. Espion doit rester sans diplome

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LA TRADUCTION  EN FRANCAIS DE L'ARTICLE  DU JOURNAL SEGODNYA DU 9 JUIN 1999
 
"Et vous, Chtirlitz, je vous prie de rester... sans diplome"
L'ancien eclaireur [espion] veut s'en debarrasser de sa "legende" et prouver que sa formation superieure speciale n'est pas un secret
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Ivan SAS
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Depuis un an et demi l’ex eclaireur russe Serguei Jirnov essaie d’obtenir un « certificat » attestant de sa qualite d’un espion authentique. Il exige qu’on lui delivre en mains propres le diplome de cet etablissement de formation ou il a etudie les sciences si specifiques. Mais Chtirlitz [equivalent cinematographique sovietique de James Bond] lui-meme, s’il avait ete par chance de retour en Russie, aurait ete oblige de galerer longtemps pour prouver dans une agence pour emploi ou dans une administration municipale quelconque qu’il est un specialiste diplome.

L’ancien collaborateur du Service des renseignements exterieurs (SVR) le Commandant en reserve Serguei Jirnov desire prouver documents a l’appui ses annees de service au sein du SVR et faire reconnaitre le fait de sa formation a l’ecole « de la Foret » – Institut superieur du KGB de l’URSS decore du Drapeau rouge et portant le nom de Youri Andropov (actuellement l’Academie des renseignements exterieurs). En 1987 on a remis les diplomes aux agents frai emoulus exactement pendant 5 minutes. Ensuite les diplomes ont ete repris par les autorites. Commentaire donne : les diplomes seront consignes dans les dossiers personnels secrets aux archives.

A cette epoque Serguei, ayant obtenu prealablement le diplome du prestigieux MGUIMO [Institut superieur d’etat des relations internationales de Moscou pres le Ministere des affaires etrangeres de l’URSS] (a propos c’est la-bas qu’il a accepte la proposition confidentielle de devenir un agent secret de la Premiere Direction Generale du KGB de l’URSS, actuellement – le SVR), travaillait deja au Ministere du commerce exterieur. Mais pour un specialiste en relations internationales l’ecole « de la Foret » ouvrait des perspectives beaucoup plus allechantes. Il a obtenu donc son deuxieme diplome superieur en ayant deja de l’experience professionnelle, en beneficiant d’un large reseau de contacts a l’etranger et parlant couramment le francais, l’anglais et l’espagnol.

Mais Mikhail Boutkov, agent secret sovietique travaillant sous la couverture officielle d’un correspondant du journal La Tribune Ouvriere en Norvege s’est fait « griller » en 1991 (bientot il aura demande l’asile politique en Grande Bretagne et publie un livre sur ses activites d’espion). « J’ai ete terrasse par cet evenement – dit Serguei Jirnov. – A l’ecole « de la Foret » Boutkov a ete Secretaire de la cellule du Parti communiste de notre promotion. C’etait lui qui m’a fait adherer au Parti. »

Une explication s’impose. Les eleves officiers pendant leur formation dans cette ecole ne se connaissaient que sous les noms de code. Mais ils devenaient membres du Parti communiste sous leurs vraies identites. Le petit secretaire du bureau du Parti savait donc le « who is who » de toute la promotion. « Lorsque quelque temps plus tard les membres de notre cellule ont commence a se faire « griller » a l’etranger les uns apres les autres et l’on a appris de surplus que le President de l’organisation du Parti communiste de toute l’ecole « de la Foret » collaborait secretement avec la CIA americaine – se souvient Serguei Jirnov -  j’ai immediatement compris que je me ferait arreter par le contre espionnage lors de ma toute premiere mission a l’etranger. C’est pourquoi en 1992 j’ai pris l'initiative de donner ma demission. »

[Suite a la page 6] … / … 
[Fin ; debut a la premiere page]

Apres sa demission Jirnov n’a pas connu la misere : il a occupe des postes en vue dans les firmes internationales, s’est vu acquerir de l’immobilier en France. L’on peut alors se poser la question : pourquoi perdre du temps en reclamant avec fracas un diplome qui en gros ne lui est en rien  necessaire ? « Par principe – repond Jirnov. – Et si un jour j’ai envie de creer par exemple une agence de securite, j’aurai besoin de ce diplome pour prouver une formation si particuliere. Et d’une maniere generale, je ne veux plus avoir de « zones d’ombre » dans ma biographie. »

Ces zones d’ombre existent bel et bien. A en croire sa carte d’officier de reserve, entre 1984 et 1992 il aurait fait son service militaire au sein du Ministere de la Defense nationale. Mais n’importe quelle patrouille chargee de controler les identites des militaires russes aurait juge ce document faux car bizarrement il ne stipule, comme il se doit, ni le numero de l’unite militaire, ni l’emploi exact du Commandant. Et si l’on croit les differentes vraies fausses attestations qu’il a presentees dans les services communaux divers et varies, a cette epoque-la il aurait travaille comme … un employe dans un centre informatique d’un Institut de recherches. 

Le SVR s’est retranche derriere une position totalement negationniste vis-a-vis de son ex employe. En gros, cette position telle que l’a formulee a notre correspondant le porte-parole du SVR est la suivante. Primo, il existerait une loi federale russe relative aux renseignements exterieurs selon laquelle « les donnees concernant l’appartenance des individus concrets aux personnels de carriere des services speciaux de la Federation de Russie sont classees secret d’etat, y compris en ce qui concerne les anciens agents demissionnes ou partis a la retraite. »  Deusio, le Directeur du SVR, selon un Ukase presidentiel n°226, deciderait de plein droit quelles donnees sont classables secret d’etat et lesquelles non. Enfin, Jirnov lorsqu’il entrait dans le Service secret devait savoir ce qu’il faisait et de plein gre aurait signe son consentement a ce que certains de ses droits civiques soient « limites ».

Ces arguments du SVR font Jirnov sourire : « Tous les etablissements de formation du Service de contre espionnage, y compris la fameuse « Haute ecole » du FSB, remettent leurs diplomes en mains propres aux anciens eleves. Dans mon diplome il n’y a rien de secret. Il n’y a aucune information particuliere sauf que l’on m’a reconnu la qualite professionnelle d’un « specialiste en relations internationales » ». 

Dans l’Association des avocats du Barreau de Moscou on a confirme sans equivoque au correspondant de notre journal : le SVR viole non seulement la loi federale russe relative a l'education, selon laquelle chaque etablissement educatif est oblige de delivrer un document a tous ceux qui ont mene leur formation jusqu'au terme, mais aussi la Constitution de la Federation de Russie qui garantit a chacun le droit a la l'education (comme il n’y a pas de document, il n’y a pas de formation). Selon l'avis des juristes, tous les autres textes normatifs "palissent" par leur force juridique devant la Loi fondamentale du pays. Donc il est conseille de s’adresser a un Tribunal. Serguei Jirnov a une ferme intention de le faire incessamment sous peu.