Serguei Jirnov, espion en quete de diplome du KGB

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HEBDO (Suisse)

POLITIQUE - RUSSIE
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Serguei Jirnov se bat depuis trois ans et demi pour qu’on reconnaisse son statut d’ancien des services exterieurs. Recit d’un combat exotique.


SERGUEI, ESPION EN QUETE DE DILPOME

Photo: DR

Par  Agathe Duparc
Le 20 septembre 2001

Cela aurait pu etre l’histoire banale d’un ancien officier du KGB, reconverti comme des milliers d’autres dans les «affaires». Pourtant le cas Serguei Jirnov est devenu a lui seul une curiosite. A 40 ans, ce Russe, ex-collaborateur de la prestigieuse PGOU (la premiere direction du KGB, les renseignements exterieurs), aujourd’hui «consultant» entre la Russie, la Suisse et la France, s’est investi d’une mission kafkaienne: recuperer son diplome de l’Institut Andropov, l’etablissement top secret qui forma des generations d’agents sovietiques.

Tout commenca fin 1997. Dans un fax adresse au  SVR (le service de renseignement exterieur ne sur les ruines du KGB), Jirnov exige son attestation d’espion, recue dix ans auparavant, et conservee dans les archives. On lui repond que cela releve du «secret d’Etat». Lui s’entete: «J’avais quitte les services en 1992. Or, de la Constitution russe et la loi sur l’education, il ressort qu’il est illegal de priver un citoyen de son diplome», plaide-t-il. S’ensuivra un surrealiste echange de courrier, par simple voie de poste, autour du «secret d’Etat». En octobre 1999, Serguei Jirnov attaque en justice, a Moscou, le SVR, perd son proces, puis s’adresse a la Cour supreme, sans reponse pour le moment. Le tout est consigne sur son  site internet. Une joyeuse impression de kitsch et de deballage qui prouve que le KGB n’est plus ce qu’il etait…

Rien ne predestinait pourtant Jirnov a jouer les trublions. En 1984, a la sortie du prestigieux Institut des relations internationales de Moscou (MGIMO), il entre a l’Institut Andropov, l’«ecole de la foret» qui ne figure sur aucune carte. Trois ans apres, «Jakov» (son pseudonyme) jongle avec le francais, l’espagnol et l’anglais, pret a rejoindre l’elite des «nelegali» (illegaux), ceux que l’on envoie a l’etranger sous de fausses identites. Mais la trahison en Norvege d’un ancien responsable de l’Institut Andropov met un coup de frein a cette future carriere. Serguei Jirnov, qui dit n’avoir jamais eu de mission a l’etranger, se replie sur le mouvement des cooperatives – premieres entreprises privees – avec la benediction de ses chefs. Puis il prepare sa sortie. En beaute, puisqu’en avril 1991 le voila en France, a l’Ecole nationale d’administration (ENA)… en qualite d’etranger, «Promotion Leon Gambetta». Un espion sovietique a l’ENA?! «Je ne faisais plus de renseignement. Mais il est vrai que je suis reste au KGB, puis au SVR jusqu’en 1992», repond-il tranquillement.

Rencontres montreusiennes

C’est justement pour mettre «un point definitif» a ce passe que Jirnov le consultant exige aujourd’hui son «diplome d’espion». «J’en avais assez d’etre oblige de mentir sur mes CV», dit-il. Une grande banque occidentale, avant de lui confier un mandat, lui aurait ainsi demande de faire la preuve de son appartenance «passee» aux services secrets sovietiques: «Le fait d’etre en proces avec le SVR montre que cette epoque est revolue.» Reste que son profil trouble ne nuit en rien au reste de ses activites. Depuis quelques annees, Serguei Jirnov organise ainsi a Montreux des rencontres russo-russes «confidentielles» reunissant dignitaires de l’URSS et jeunes loups du business. Enfin, en partenariat avec la direction des affaires du president de Russie – l’ancien fief de Pavel Borodine – il joue le role de rabatteur de riches patients russes pour  la clinique de Genolier (pres de Nyon).