Qu est-ce qui se passe avec le rouble?

Ñåðãåé Æèðíîâ
Serguei JIRNOV, politologue, economiste international, ancien officier de carriere du service d’espionnage du Service des « illegaux » du KGB

QU’EST-CE QUI SE PASSE AVEC LE ROUBLE ET LE REGIME DE POUTINE ?
Parlons avec les mots faciles a comprendre des realites compliquees qui concernent tout le monde.   

A l’ecole elementaire et primaire on apprend aux petits enfants l’arithmetique. C'est-a-dire les quatre actions de base : addition, soustraction, multiplication, division. Ensuite on apprend aux enfants qui grandissent la mathematique plus compliquee. A l’universite on enseigne la mathematique superieure, tres compliquee. Tout le monde le sait et le comprend. Mais peu de gens utilisent ce savoir dans la vie quotidienne. C’est pourquoi ceux qui comprennent ce qui se passe en economie ne sont pas tres nombreux. Surtout en temps des crises.   

Ce qui se produit en Russie actuelle est tres simple. Toute l’annee 2014 les prix mondiaux de petrole, du gaz et d’autres ressources naturelles baissaient d’une maniere permanente et stable. C’etait une tres bonne nouvelle pour toutes les economies grandissantes et industrielles, ainsi que pour les consommateurs et acheteurs ordinaires. Parce que cela faisait baisser arithmetiquement les couts energetiques et autres de la production et du transport des marchandises diverses et variees, de la construction et du chauffage des habitations, etc. Cela profitait a tous les pays qui n’ont pas leurs propres ressources naturelles et les importent, les achetent a l’etranger, puisque cela leur procurait des economies.

Mais cette baisse des prix du petrole, du gaz et d’autres ressources naturelles etait tres defavorable a tous les producteurs et vendeurs de ces matieres premieres. Parce que ils voyaient diminuer leur chiffre d’affaires, leurs revenus bruts, sans parler de leurs plus-values nettes.  Ceci etait funeste pour ne pas dire catastrophique a tous les pays dont l’economie revet un caractere non industriel, se base uniquement sur l’exploitation simple des ressources naturelles – sur ce qu’on appelle « la rente naturelle ».   

Entre autres, a la Russie de Poutine. Pourquoi precisement de Poutine ? Parce que les quinze dernieres annees, sous la direction de Vladimir Poutine, la Federation de Russie a fait un choix particulierement simpliste, un choix plutot tactique que strategique. Sans trop se preoccuper du sort des futures generations de russes. Poutine adore les decisions faciles, simples, lineaires, arithmetiques. Poutine a decide d’orienter l’economie russe principalement vers l’extraction et l’exportation des matieres premieres pas ou peu enrichies.

Ce choix etait simple, rapide, arithmetique, momentane. Donc mauvais dans une longue perspective du developpement d’un systeme etatique et economique tres complique, regi par les regles plutot mathematiques. Ce choix etait facile parce qu’il ne demandait pas de grands efforts. Tu digues ou tu pompes de la terre des matieres gratuites qui s’y trouvent et tu les vends. Simple comme pisser. Un idiot peut le faire. Mais ce choix etait mauvais parce qu’il rapportait peu et ne donnait des benefices qu’en cas d’une conjoncture du marche tres favorable, lorsceque les prix sont hauts. Ce choix etait mauvais car le pays vendait, bradait les bijoux de la couronne, le bas de laine, les richesses appartenant au peuple dans son ensemble, en volant les futures generations.    

Poutine est un veinard et a eu enormement de chance au debut de son arrivee au pouvoir et a mi-mandat. Son accession au trone au Kremlin de Moscou en l’an 2000, par le plus grand des hasards, s’est accompagnee d’une conjoncture mondiale des matieres premieres extremement (trop) favorable. Le prix du petrole brut est assez rapidement passe de 8-10 dollars le baril a 140 (dans les meilleurs moments pour les producteurs et negociants). Donc, arithmetiquement cela a augmente les revenus et benefices des petroliers.

La-dedans il n’y avait aucun merite personnel de Poutine ni de sa politique. Puisque, de toute facon, populiste Poutine, surfant sur les attentes latentes des nostalgiques de l’URSS disparue voire du stalinisme, n’avait aucune politique et aucun programme reel sauf dire aux russes ce qu’ils avaient envie d’entendre. Tout simplement la conjoncture economique mondiale s’est trouvee etre ainsi a cette epoque.

Cette conjoncture prenait ses racines en Chine. Tout venait de la Chine. De ce geant d’un milliard et demi de personnes qui s’est reveille du sommeil lethargique et a commence sa renovation et reconstruction explosive avec les taux annuels de croissance a deux chiffres. Sans oublier l’Inde, un autre geant reveille et croissant. Sans negliger l’Asie de Sud-est en general (Coree du Sud, Hongkong etc.). Et sur le continent americain – le Bresil.

Tous ces pays dynamiques, par leur demande, ont tire les prix mondiaux des matieres premieres vers le haut. Ce qui a beneficie, arithmetiquement, au developpement economique de tous leurs fournisseurs, dont la Russie de Poutine. Qui, au sein, des BRIC faisait grise mine d’un simplet du village profitant, tant bien que mal, du developpement industriel de ses grands freres : de la Chine, de l’Inde et du Bresil. Comme vous comprenez, Poutine n’avait rien de particulierement meritant ni inventif a cote des ces homologues chinois, indous ou bresiliens qui, eux, dirigeaient leurs pays respectifs vers les vrais horizons economiques radieux. Tant que ces trois pays se developpaient tres fortement, les prix des matieres premieres russes etaient hauts.

Poutine s’est trouve au bon moment au bon endroit. C’est tout. D’ailleurs, il n’y avait aucun merite, car il n’est pas arrive au poste supreme en Russie grace a son passe glorieux d’un homme politique visionnaire adoube par le peuple, puisque il n’a jamais exerce aucun mandat electif auparavant. C’etait un fonctionnaire sans personnalite, un obscur apparatchik tire du KGB par l’ancien Maire de Leningrad Anatoly Sobtchak et qui a plu ensuite, par sa docilite et mediocrite, a la famille de l’ancien president russe Boris Eltsine et a son cardinal gris, milliardaire et oligarche Boris Berezovsky (paix a leurs ames).

L’argent deraisonnable et inattendu des matieres premieres, genere par la demande chinoise, a tres rapidement rempli a ras bord le budget d’Etat russe qui etait vide a l’epoque de Gorbatchev et Eltsine. Ce qui a permis au pays stagnant de payer enfin les salaires a une armee de fonctionnaires inutiles et des retraites aux vieux delaisses dans la misere par les politiques de tous bords depuis des annees. D’augmenter regulierement ensuite les retraites et les salaires, sans aucun rapport avec l’efficacite du travail. 

Ce rebond financier a donne au pays une illusion du developpement et a Poutine une illusion de son intelligence particuliere, a forme chez lui un complexe de superiorite inexistante. Les gens ont eu tort de voir dans cet heureux concours des circonstances favorables le gage de stabilite pour les annees a venir et les merites exceptionnels de leurs dirigeants, dont Poutine en premier lieu.
 
Mais cet argent enorme, non merite par le travail, a joue un mauvais tour aux fonctionnaires russes de tous les niveaux. Ils ont commence a flamber le fric. Au lieu d’utiliser cette chance inattendue de la conjoncture mondiale economique momentanement favorable pour engager enfin une reconstruction structurelle tellement necessaire au pays appauvri, vieillissant, moribond et delabre qui vivotait depuis une decennie sur les restes de son passe sovietique glorieux. Au lieu de la re-industrialisation, de la reconstruction des routes et des chemins de fer, de la construction des nouvelles et modernes usines, de l’intensification de son agriculture du XIX-ieme siecle, le pays s’est mis a consommer frenetiquement la manne tombee du ciel de la rente naturelle inesperee.

Les fonctionnaires se sont achete les limousines etrangeres flamboyantes et super cheres, ont commence a s’habiller en costumes de la haute couture parisienne et italienne, a porter les montres suisses et la joaillerie hors de prix, a se deplacer en jets prives, a passer les vacances dans les plus chers hotels du monde, a eduquer leurs enfants dans les ecoles privees les plus chers a l’etranger, a y acheter de l’immobilier aux prix exorbitants, a placer l’argent sale du vol et de la corruption dans les paradis fiscaux et dans les banques etrangeres. Le nombre de milliardaires russes a depasse la centaine et des millionnaires en dollars 180 mille. Les nouveaux russes, exotiques et depensant l’argent sans compter, sont devenus une caricature vivante a l’etranger. 

Poutine qui avec son clan faisait secretement parti des plus nantis, a continue a augmenter les salaires etatiques des fonctionnaires qui se sont reproduits comme pas possible, des officiers des services secrets qui ont triple leur nombre depuis la fin du KGB et exercaient maintenant la mainmise totale sur l’economie officielle et mafieuse, sur la justice qui est devenue une arme de reglement de comptes entres les clans mafieux rivaux et contre la presse de moins en moins libre tentant a faire lumiere sur les abus du regime poutiniste. Le pays entier, Poutine en tete, a perdu la notion des realites. Le pays entier est devenu un drogue se choutant avec l’argent de la rente naturelle.

En dix ans de cette conjoncture exceptionnelle le pays n’a construit pas une seule usine innovante dans la haute technologie, en perdant tout ce qui restait de l’Union sovietique, en commencant par tous les cerveaux scientifiques qui ont fuis a l’etranger. Le pays n’a realise aucun progres scientifique et technique de niveau mondial. A perdu quasiment toute son industrie. Les seuls usines productives qui lui restaient etaient celles qu’on appelle « de tournevis » : ou la main-d’oeuvre locale peu qualifiee et peu chere assemble betement des composantes importees les marchandises (souvent vielles de deux generations destines pour le marche local attarde) des producteurs etrangers.

De facto, la Russie a cesse d’etre une superpuissance mondiale en devenant une grande republique bananiere, mais avec les vieilles armes nucleaires sovietiques et les restes de l’industrie cosmique. Un pays bananier riche de la rente naturelle.

On a fini par une situation absurde ou une pretendue superpuissance mondiale a commande deux porte-helicopteres militaires a la France, pays de l’OTAN, c’est-a-dire de l’organisation « imperialiste et agressive » que la Russie de Poutine officiellement comptait parmi ces ennemis strategiques. Decidement Poutine et ses acolytes n’ont jamais lu le mythe ancien grecque sur le cheval de Troyes (Timeo Danaos et dona ferentes).

Tous ceux qui, tels Cassandre, mettaient en garde les dirigeants russes contre l’impasse dans laquelle ils entrainaient le pays et les dangers inevitables de cette orientation suicidaire, etaient evinces, limoges.

Mais une fete alcoolisee ou le reve narcotique ne peuvent pas etre eternels. Une situation favorable et inattendue qu’on a pas meritee, ne pouvait pas durer. Apres une decennie de la croissance droguee par les prix deraisonnablement hauts, la crise mondiale est venue enfin frapper a la porte de la Russie de Poutine. Le developpement explosif de la Chine s’est ralenti et les prix des matieres premieres ont fini par commencer a baisser.

Il etait encore temps de sauver la Russie de la catastrophe avec les reserves financieres amassees. A condition de les utiliser a bon escient. Mais Poutine ne voulait pas croire en cette fin de paradis du parasitisme sur la rente naturelle sans mouiller la chemise. Il tardait a prendre les mesures urgentes de sauvetage d’une economie qui coulait comme Titanic. Il s’est debarrasse des derniers conseillers qui pronaient le pragmatisme. La catastrophe globale et systemique a eclate en fin de l’annee 2014.

Elle etait soudaine mais logique. Elle ne pouvait pas ne pas avoir lieu. Elle etait predite, annoncee et inevitable. Mais pour Poutine elle etait inattendue. Car il voulait tellement avoir eternellement les prix du petrole, du gaz et d’autres ressources naturelles rester hauts. 

Le budget pour l’annee 2015 a ete concu sur la base du prix de baril de petrole entre $96 (budget equilibre) et $106 (budget excedentaire). Mais deja en novembre 2014, avant le debut de la nouvelle annee budgetaire, le prix du petrole a chute a $70/baril. Le petrole brut representant 50% des recettes budgetaires russe, cette chute de prix a cree une breche enorme dans le budget a venir. Avec la chute des prix d’autres matieres premieres elle etait estimee a un quart du budget et tentait a devenir un tiers.

Le 14 Decembre 2014, en reponse a la tentative de Venezuela qui faisait du lobbying des interets russes, le ministre de l’industrie petroliere des Emirats Arabes Reunis a declare que les pays de l’OPEP ne prevoyaient pas une assemblee generale de crise ni une baisse de quotas de productions de petrole meme si le prix de baril descendait vers $40. A cette epoque le prix du baril de petrole Brent qui sert de reference pour fixer le prix du petrole russe Urals est descendu a $61,65 ce qui etait son niveau le plus bas depuis 5 ans. Cette declaration a eu effet de la bombe pour les marches et les speculateurs. Le budget russe pour l’annee 2015 explosait.

Poutine devait faire d’urgence quelque chose. La plus logique mesure etait la revision budgetaire dans le sens de la restriction de toutes les depenses programmees. Restriction drastique qui faisait tres mal. Pas forcement a la population mais surtout aux fonctionnaires du regime poutiniste, aux elites dirigeantes russes. A tous ceux qui ont pris la mauvaise habitude a flamber le fric facile vole au peuple, a se deplacer en jets prives et en limousines etrangeres, a manger du caviar a la louche et a faire du ski a Courchevel. Ainsi qu’a toutes les structures militaires et les forces speciales diverses et variees que Poutine avait creees sans se soucier de leur couts pour le pays.   
 
Les restrictions budgetaires devaient aussi faire mal a tous ceux qui parasitaient sur le dos du pays et du budget federal. En premier lieu a la Tchetchenie de Ramzan Kadyrov ou la paix fragile a ete achetee par Poutine a cout des subventions enormes du pouvoir federal, soldant la dette des deux guerres de facto perdues par Moscou.

Le budget restreint ne pouvait plus supporter le cout des deux regions parasites – Abkhazie et Ossetie du Sud – annexees militairement, volees a la Georgie voisine lors de la guerre de 2008. Mais aussi des deux tiers des regions russes traditionnelles et economiquement depressives qui ne vivaient depuis des annees qu’avec les dotations federales, possibles tant qu’il y avait la manne petroliere et gaziere.

Pire encore. La crise des prix de matieres premieres a coincide avec les plus recentes aventures de Poutine en 2014. D’abord avec les Jeux Olympique de Sotchi qui ont coute la peau des fesses a la Russie et au peuple russe (entre 50 et 100 milliards de dollars). C’etait juste du gachis ou du vol car les stations et les installations construites n’avaient en verite aucune perspective economique et sportive (lire notre article « Sotchi : la pierre tombale du regime de Poutine »).

Ensuite est venue la crise ukrainienne entierement provoquee et voulue par Poutine pour detourner l’attention du peuple russes des problemes grandissants internes – l’annexion de la Crimee dont personne n’avait rien a foutre et la vraie guerre de Poutine contre le peuple frere de l’Ukraine lie a la Russie par plus de mille ans d’histoire commune. 

Tout ceci necessitait enormement de fric. Le budget 2015 prevoyait l’augmentation de 32% des depenses militaires directes pour financer les troupes russes officiellement absentes de l’Ukraine mais que tout le monde en Russie (et dans le monde entier) sait engagees directement dans le conflit.

La populace ivrogne de la Crimee et les deux regions separatistes a l’Est de l’Ukraine (les soit disant republiques de Lougansk et Donetsk autoproclamees et non reconnues par personne) n’etant plus entretenue par l’Etat de Kiev, c’est le budget federal russe qui devait prendre le relais pour supporter ces nouveaux parasites. Mais avec la chute des prix des ressources naturelles le budget devenait de plus en plus vide et ne pouvait plus assurer ces subventions. Le gateau budgetaire retrecissait tandis ce que les mangeurs potentiels devenaient de plus en plus nombreux.   

Poutine est tombe dans son propre piege. Les sanctions occidentales, contrairement a ce qui a ete avance par la propagande poutiniste, n’ont pas provoque cette crise. Mais elles ont certainement joue un role negatif accentuant les effets de la crise mondiale et interne russe. 

Qu’est-ce que Poutine pouvait faire ? Un miracle. Pour sauver la situation absolument catastrophique. Au moins avec le budget pour les 6 mois a venir, sans couper drastiquement les depenses et subventions (sinon cela risquait  lui couter son poste immediatement).

Il n’y avait qu’une chose a faire. Une tres mauvaise chose. Puisque, de toute facon, elle ne donnait qu’une courte treve et frappait fort injustement le peuple russe lui faisant supporter le poids de la betise et de l’ignominie absolue de Poutine. Cette solution c’etait la devaluation de la monnaie nationale russe – le rouble. La devaluation non officielle, cachee.
   
Cette solution etait, comme d’habitude, simpliste, lineaire et arithmetique. Pour essayer de resoudre une equation mathematique avec plusieurs inconnues. Mais Poutine n’aime pas et ne comprend pas la mathematique. Il est fan d’arithmetique.

D’autre part Poutine est cynique et s’en fiche reellement du peuple russe. Il preside une oligarchie qui depuis longtemps avait transfere ses propres capitaux a l’etranger, les avait investis dans l’immobilier, les devises etrangeres ou places dans les banques etrangeres et dans les paradis fiscaux. Une devaluation du rouble ne pouvait pas leur porter un quelconque prejudice. Plutot l’inverse : elle les rendait plus riches en roubles devalues.    

Et Vladimir Poutine depuis Kremlin a secretement donne son feu vert non officiel a la Banque Centrale russe de baisser le niveau de soutien aux taux de change de rouble sur les marches, principalement par rapport a l’euro et au dollar US. Cette devaluation cachee etait deja en cours depuis le debut des sanctions occidentales, mais en absence des mesures institutionnelles de soutien par la Banque Centrale en quelques jours en decembre 2014 le taux de change du rouble a chute pratiquement de 2 fois.       

De cette maniere l’epargne du peuple russe a perdu la moitie de sa valeur en moins d’une semaine. Poutine a vole (encore une fois) sa population. En meme temps le cout des importations a augmente arithmetiquement de 2 fois. Et comme la Russie depend de l’etranger pour la moitie de son alimentation et pour la totalite des produits de la consommation courante cela a mis le peuple russe au bord de la faillite et presque de la famine.

Mais le budget du regime poutiniste pour l’annee 2015, par la meme occasion, a ete miraculeusement sauve et arithmetiquement rempli de roubles devalues. Ce qui a compense la chute brutale des prix de petrole sur les marches mondiaux. Poutine etait aussi stupide pour ne pas cacher publiquement sa joie et ses interets budgetaires inavouables. « La chute du taux de change du rouble profite beaucoup aux recettes de la Russie » – a declare le leader russe avec une triomphe dans sa voix. 

En disant cela Poutine mentait, deformait la verite. La devaluation du rouble profite non pas aux recettes de la Russie, mais a celles du budget du regime poutiniste. Ce qui n’est pas la meme chose, si par la Russie on entend son peuple qui, au contraire, a perdu la moitie de ses economies a cause de Poutine, pour sauver le budget federal de Poutine.

Les petites gens qui, pour une bonne partie, surtout ceux qui n’ont pas besoin de faire les operations de change avec les devises etrangeres, peuvent meme ne pas remarquer cette devaluation cachee. Ou ne pas comprendre ses mecanismes d’appauvrissement de la population. Malgre les aveux publiques de Poutine qui se moque du peuple et de la Russie.

La devaluation actuelle du rouble a aussi arithmetiquement et automatiquement enclenche le mecanisme de l’inflation, de la hausse des prix des produits de consommation et des services.  L’inflation qui devait economiquement, par la hausse des prix, retablir la balance entre le cours nominatif et reel de la monnaie nationale.

A l’inverse du taux de change du rouble, cette inflation n’est pas immediate. La population va la ressentir dans les semaines et les mois a venir, en voyant changer les prix sur les etales des magasins. Certaines personnes pas tres attentives ou futees peuvent ne pas la comprendre du tout, si elles se referencient uniquement a leurs bulletins de paie ou des retraites qui nominalement peuvent meme augmenter. C’est le pouvoir d’achat qui diminuera car avec les memes sommes on pourra acheter de moins en moins de produits.
 
Le probleme budgetaire tactique et global du mauvais choix strategique de Poutine a ete solutionne par l’epargne du peuple, par ses economies. Poutine a vole son pays et son peuple. 

Tout pourrait etre pas trop mal pour Poutine s’il pouvait vraiment controler les mecanismes economiques de l’inflation, s’il pouvait leur ordonner de faire telle ou telle chose comme il l’ordonne depuis des annees aux institutions etatiques russes devenues decoratives et entierement dependantes de Kremlin, d’un seul homme. Mais ca ne se passe pas ainsi dans l’economie.

Et la population russe n’est pas aussi ignorante et debile comme l’aurait voulue Poutine. Les gens ont un sixieme sens, le bon sens, le sens commun qui leur permet sinon de comprendre, au moins de sentir les aventures cachees et les pieges du regime. C’est pourquoi plus la propagande du regime parle de la normalisation de la situation, plus elle tente d’endormir les gens et de les tranquilliser, plus ils deviennent mefiants et soucieux, plus ils doutent de la parole de Poutine. 

Ainsi la population russe depuis quelques jours s’est-elle precipitee dans les magasins pour acheter, avec les roubles qui perdaient de leur valeur, les produits de premiere necessite et de longue conservation. Comme en temps de guerre, les gens ont commence frenetiquement acheter le sucre, le sel, les pates, le riz, le sarrasin (tres prise par les russes), les conserves de toutes sortes, les allumettes, les cigarettes. Et cela a fini par provoquer une panique generale incontrolable.

Les gens ont commence a se debarrasser des roubles, ce qui a ete aggrave sur les marches par les mouvements speculatifs orchestres par les speculateurs (tres souvent lies au pouvoir en place par le delit d’inities). « « Se sont  les speculateurs qui sont responsables de la chute du taux de change du rouble » - a declare le president russe. Et en disant ceci, il avait parfaitement raison. La seule chose qu’il a oublie de preciser : mes propres speculateurs, les speculateurs du Kremlin. Mais cela a ete precise par les experts des marches qui ont tout de suite remarque que parmi ces speculateurs pour un tiers c’etaient des fonds de pensions americains et pour les deux tiers … les banques russes ! Et meme derriere les fonds speculatifs americains pouvaient tres bien se cacher les investisseurs et donneurs d’ordres russes.   

Enfin l’aggravation finale est venue de la coincidence de la crise avec les fetes de fin d’annee – la periode ou traditionnellement les gens depensent, achetent plus que d’habitide, preparent les cadeaux et les festins de Noel et Jour de l’An. Des millions de russes se preparaient a partir a l’etranger pour y passer les fetes et les vacances et avaient besoin de devises etrangeres. Ces phenomenes normaux saisonniers se sont rajoutes a la panique et ont fait chuter le rouble encore plus rapidement. 

La Russie est en train de vivre dans son economie ce que nous avons vecu en 1986 a Tchernobyl lorsque le reacteur nucleaire a commence a chauffer suite a une manipulation stupide et irresponsable, est devenu non controlable et a fini par exploser. La panique, la chute des prix des matieres premieres – principale source de la richesse de la Russie actuelle, la chute du rouble et l’inflation auront comme resultat pour le moins l’arret de la croissance et au pire provoqueront le defaut de paiement global de la Russie et l’explosion de son economie fragile et attardee.

Avec tout ce que cela sous-entend comme risque de troubles a l’ordre public, tentatives de renversement du regime, repression, revolution, guerre civile, guerre ouverte contre l’Ukraine et pire encore.

Voila quelle est la situation actuelle en Russie provoquee par la betise et l’irresponsabilite de Vladimir Poutine. Cette mauvaise personne qui etait un mauvais choix de Boris Eltsine et des russes en 2000. Le choix pour lequel ils vont payer tres cher. Et pas que les russes… 

France, Decembre 2014.