äèàëîãè ïî-ôðàíöóçñêè. ÄÎÌ

Ñàøà Âàëåðà Êóçíåöîâ
                Àðêàäèþ                Ñëàâîðîñîâó               
    


L A   M A I S O N





Le panorama de Moscou a vol de l’ange Israel, le soleil brille, on n’appercoit ame qui vive. Pas de mouvement, pas de bruit de ville. La nudite des ruines. Derriere le riviere, le Kremlin, solennel et hostile, les lueurs mortes des coupoles. Les rangs reguliers des fenetres. Par ci par la, dans les ruelles, les autos immobiles, comme abandonnees pour toujours. Le cri denue de tout sens, terrifiant, monotone, se faisant entendre regulierement de derriere les maisons, est l’unique son percant le silence.
Le perspective d’une rue vide, innondee par la lumiere du soleil. Pres de la porte d’une maison, on voit une chaise renversee et, a cote, un basset en cadutchouc, oublie par un enfant (ou abandonne en hate) et portant cette inscription faite avec unstylo a bille: “Marouchka”.
La station de cheminde fer “Moscou de Triage”. Les rails, les cables entrelaces, les signaux lumineux aveugles. L’espace mort et froid, balaye par le vent.
Le tuyau revetu de carreaux d’un passage souterrain, sale et mal eclaire. Le fort courant d’air fait flotter les morceaux de journaux et d’affiches colles aux murs. L’inscription faite avec un morceau de charbon sur une des parois: “L’amour est la seule chose dont nous avons besoin!” Des dechets roulent sur l’asphalte noir, emportes par le vent. Une silhouette projetant une longue ombre apparait tres loin, au fond du tunnel.
Un silence profond. Rien qu’un leger bruissement de l’eau qui coule. La petite riviere au-dessuse de laquelle plane une brume fantaisiste. Les branches de buissons sur la rive, plus loin, le champ automnal, plus loin encore, sur la pente d’une colline, on voit des silhouettes sombres de maisons, peut-etre un village, peut-etre des maisons de campagne. Le ciel est charge de nuages.
VOIX DE FEMME:  Que c’est calme ici.
VOIX D’HOMME:  Comme si nous sommes deja morts.
On entend le rire force ou le sanglot de la femme. En aval, un tronc d’arbre enjambe la riviere. Un homme, frisant la trentaine dans une vielle capote sans epaulettes, passe sur le tronc, il est suivi d’une jeune fille dont la tete est enveloppee dans un chale a la maniere des vieilles femmes.
Le centier entreles sapins. Ils marchent sur le sentier – lui, l’omme aux cheveaux longs, ramenes derriere la tete et caches sous le col de la capote, et elle, la jeune fille avec un sac en bandouliere.
LUI:  Laisse ca, arrete. Tout s’est arrange, Dieu mersi. Tu entends? He! Nous avons bien reussi a echapper a cesabrutis.Tout est de lamerde,maman!Est-ce encore loin?
ELLE: Non. Ca doit etre tout pres.
Ils sortent sur un chemin vicinal boueux et longent, sans regarder sous leurs pieds, les palissades derriere lesquelles se cachent les maisons de campagne, on voit a cote la sombre silhouette d’une cabine telephonique deformee.
ELLE:  Non. Cadoit etre tout pres.
Ils sortent sur un chemin vicinal boueux et longent, sans regarder sous leurs pieds, les palissades derriere lesquelles se cachent les maisons de campagne, on voit a cote la sombre silhouette d’une cabine telephonique deformee.
ELLE:  La voila.
Une maison a un etage, de bois, humide, avec une veranda dont les fenetres sont condamneesavec des planches, se detache au un fond lugubre derriere les arbresdont les cimes bruissent quelque part au-dessus des tetes.
LUI:  Alcatras!
S’entraidant, ils escaladent la palissade. Ils marchent entre les sapins sur une verte clairiere, se dirigeant vers la maison.
ELLE:  ... On vivra quelque temps ici, d’accord? En attendant que tout s’arrange la-bas. C’est chic isi, il n’y a personne. Tout finira par s’arrager, n’est-ce pas? Tout s’arrangera a la fin?
Sans repondre, il monte sur le perron. Ils s’arrete devant la porte. Une cle rouillee est dans la serrure. Un chat aux poils touffus et en desordre apparait de derriere la maison, fixe les yeus sur eux et se met a miauler bien fort, sans detacher d’eux son regarde. Ayant hesite un peu, il tourne la cle avec effort. Ils entrent dans la maison. La jeune fille branche la lumiere dans la petite cuisine et y entre. L’homme marque un temps d’arret sur le pas de la porte: un refrigerateur tout erafle, une cuisiniere a gas salie par des blattes. Sur la table, quelqu’un a laisse une touffe de cheveuxnoire.
L’escalier menant au premiere etage. Les portes, les cles dans toutes les serrures. Elle ouvre les portes, il monte au premier etage. Une grande chambre claire donnant sur un large balcon. Une garde-robe, un lit bas, a son chevet, une lampe avec un  abat-jour de jonc. Ils regardent autour d’eux. L’homme ouvre la  porte du balcon, des sapins sont a la portee de la main, derriere eux le ciel bleu.
ELLE:  C’est la que nous suspendions notre balancoire.
Le bruissement des sapins, pas d’autre bruit. Un silence extraordinaire.
Le chat harle quelque part en bas. Soudain, une porte claque. L’homme se tourne vers la leune fille mais repond par une question: “Qu’est-ce que s’est?”
LUI:  Des rats. Et tu pensais qui? Des fantomes? Des esprits de morts? Tu croyais qu’il n’y avait personne isi? La maison est deja occupee.
Il s’est tourne vers elle et un sourire etrange effleure ses levres.
LUI:  Bon,ca va, n’aie pas peur. Vaut mieux fermer tout on bas et vivre ici.
Ils ne monteront pas au premier. Les rats ont le mal d’altitude, en haut, la tete leur tourne, une des tares de leur deeloppement intellectuel.
Il est revenu dans la chambre, a sorti sur le balcon le fauteuil de jonc et, s’etant renverse sur son dossier, a fourre le main dans sa poche a la recherche des cigarrettes. La jeune fille a esquisse un sourire heasitant et est revenue dans la chambre. Pour faire la chambre plus confortable, elle y nettoie la poussiere, la met en ordre. Elle oure la garde-robe et y voit une robe chiffonnee d’un rouge eclatant. Elle la prend, la regarde, l’essaie, en se mirant dans la glace qui est pres du lit. Seules ses jambes s’y refletent, la jupe tombee sur ses pieds jette un brusque eclair rouge dans l’espace reflete. Ca lui plait. Elle joue devant la glace, fait des pas d’une danse quelque peu somnambulique...
L’homme s’est abandonne dans le fauteuil, la capote est jetee sur ses epaules. Il siffle, mais aucun son ne sort de sa bouche. Puis il sort de sa poche un petit paquet enveloppe dansune feuille metallique et defait – c’est un morceau de marihuana. Il ote le tabac d’une cigarette. Il sort son couteau et se met a hacher la marie-jeanne.
La jeune fille danse seule dans la chambre. Elle s’arrete, en voyant son ami se tenir sur le pas de la porte avec la cigarette bourree de marihuana dans la bouche, elle la regarde avec ravissement. Il s’approche d’elle, l’embrasse doucement d’une main et de l’autre lui met la cigarette entre les levres. Elle tire une bouffee en renversant la tete.
Ses longs doigts touchent legerement le galbe de ses hanches, suivent le contour de son corps. Sur le placher – la tache d’un rouge criant de la robe. Fourrure, mouvements saccades, respiration, murmure.
ELLE:  Encore... Que c’est bon. C’est bon, n’est-ce pas?
LUI:  Le bonheur est meiller. Le bonheur est un fusil qui garde encore sa chaleur. Pif! Paf!
ELLE: Avant tu etaispacifiste.
LUI:  Ouais. Et avant, bien avant, j’avais les branchies. Meme maintenant d’etranges images me hantent. J’ai notamment l’impression que nous sommes couches nus dans une vieille maison dans une foret au bout du monde, fumons de l’herbe et... et je m’en fous de la verite car le bonheur est meilleur. Je n’ai pas besoin de la verite nue, ce qu’il me faut c’est le bonheur nu!
ELLE:  Et toi, tu es mon Roi nu. Permettes-moi de tirer encore une bouffee, Votre Majeste.
LUI:  Quant aux rois, Andy Russell a ecrit des choses chics sur eux. Je te les lirai un jour, si on en a le temps.
ELLE: Il n’y aura plus de temps. J’en ai ras le bol. On entend dans tous les coins de l’espace le tic-tac de cette machine infernale.
LUI:  Et ensuite “bang”! Une grande explosion et tout repart a sero.
ELLE: je ne veux pas d’explosions. Je ne veux rien. La seule chose que je veux...
LUI:  Voila, comme ca, comme ca... (Avant pris la cigarette a l’envers, elle lui insuffle la fumee, il la respire longuement, en fermant les yeux). Encore... Je ne veux rien non plus. (Il se renverse sur le lit). J’ai tout ce qu’il me faut. Tout et encore une bouffee et demie.
ELLE:  Que c’est bon, mon Dieu. Nous sommes enfin chez nous. On marchait, on marchait, on fuyait et voila que... C’est maintenant notre maison, tu voila?
LUI:  Rien de plus facile pour nous que de construire une maison... Car lamaison n’est que dessinee. Peut-etre sommes-nous aussi dessines?
ELLE:  Non, moi,je ne suis pas dessinee, c’est sur. Voila, regarde, regarde... Faut dire que toi non plus...
LUI:  Tu y vas fort, ma petite... Oui, il parait que nous ne sommes pas dessines. Alors, on est nouveau dans l’orreur. On n’est pas des taoistes pour vivre dans des palais dessines.
ELLE:  Taoistes, taoistes! Je ne veuxplus rien ecouter. C’est notre maison a nous. Je ne m’en irai pas. D’ailleurs, nous n’avons ou aller...
LUI:  Oui. Peut-etre c’est ca liberte...
Dehors, ilnuit noire. Dans la baie de la porte du balcon, au-dessus des cimes des sapins, on voit les etoiles d’une nettete extraordinaire.
A l’aube, le bruit au rez-de-chaussee l’a reeille, il a tendu l’oreille. Quelqu’un y marche. Une chaise est tombee. On entend des voix indistinctes. Ensuite, le silence est revenu. Il s’est leve doucment pour ne pas reeiller la jeune fille, est reste un moment immobile, a sorti son couteau de la poche de la  capote, l’a mis dans la poche-revolver de son blue-jean et s’est mis a descendre l’escalier, les pieds nus, en essayant de ne pas faire de bruit. Au rez-de-chaussee, il s’est approche de la porte derriere laquelle un bruit indistinct s’est fait de nouveau entendre. Il l’a entrouverte avec beaucoup de precautions et a jete un regard a l’interieur. Au meme instant, il l’a refermee et,  d’un mouvement frenetique, a tourne la cle dans la serrure. Il s’est immobilise, en tendant l’oreille.
Le matin. La jeune fille ouvre les yeux. L’homme, deja ha bille, est assis pres du lit, le regard plonge dans le vide.
ELLE:  Qu’est-ce qui arrive?
LUI:  La nuit, quelque’un a marche en bas.
ELLE:  ???
LUI:  Oui. Ca a dure tres longtemps. Ensuite, on y a bredouille, jure et fait la noce, je crois. J’ai ferme la porte a cle.
La jeune fille, toute tendue, le regarde.
ELLE: Je ne descendrai plus au rez-de-chaussee.
LUI:  J’ai deja bien reflechi a tout cela. Nous ne descendrons plus. On a asses de bouffe et les chiottes sont au premier (il a essaye de sourire), sur ce point on a de la chance.
ELLE:  Et si ne sont que tes fantasmes?
LUI:  Pour le moment, tout va bien avec ma tete. J’ai bien entendu des bruits. Hier, nous avons fume tres peu.Tu crois que je n’arrive plusa distinguer une hallucination de la realite?!
Il est allonge sur le lit et, un harmonica a la bouche, joue une melodie lamentable. La jeune fille, portant un plateau, entre dans la chambre, commence a arranger la vaisselle sur la petite table metallique munie de rous, destinee d’habitude a servir des petits dejeuners raffines.
LUI:  Pas la peine, je n’ai pas faim.
Il regette l,instrument, allume une cigarette. Air vexe, elle se met a manger, avec une cueillere de bois, la soupe grisatre, preparee a base de conserves. L’homme prete l’oreille, elle s’efforce de manger sa soupe sans faire de bruit.
Le jour. Dans la petite piece comtigue, la jeune fille fouille dans les tiroirs d’une commode, en retenant sur ses genoux le blue-jean de son ami. Sur lacommode – un tres vieux poste de television, recouvert d’une couche veloutee de poussiere. Dans la baie de porte, on voit une partie de la chambre, il est assis la, les pieds sur un tabouret. Avec un air lugubre, il se cure les ongles avec son couteau.
ELLE:  Regarde, il y a des bougies isi, elles pourront nous servir encore. Et voila des fils a coudre. On trouve du tout dans cette maison. Ca va, tout finira par s’arranger. En tout cas, dans la ville, c’est plus dangereux, n’est-ce pas? Oh, quel truc, ca sert a quoi? Nous resterons ici, invisibles, en attendant que tout s’arrange. Attention, les souris, le chat vient ici... Chassons les chats! Les chats, go home! D’accord? On va fumer, regarder par la fenetre, ecouter la neige tomber et ne penser a rien. Une idylle, n’est-ce pas? Avant de nous coucher, je te lirai Dickens ou de Sade...Voila, j’ai trouve (elle sort d’un tiroir un morceau de tissu, l’ajuste au blue-jean). Je te le rapiecerai. Regarde, ca va?
Elle se tourne vers la porte. Il n’y a personne dans la chambre.
L’homme, en calecon, est dans l’escalier. Il fait plutot froid. Tendu, il ecoute attentivement ce qui se passe derriere la porte fermee a cle. Le silence semble tangible et en mouvement. Il monte l’escalier sur la pointe des pieds et ferme deriere lui la porte du premier. Il arrive avec difficulte a faire louer la cle dans la serrure. Il tourne la tete: la jeune fille, le blue-jean a la main, est sur le seuil de la chambre, elle le regarde en silence.
Le soir. Les sone de l’harmonica.
VOIX DE JEUNE FILLE:  Regarde, il fonctionne.
Elle est devant le poste de television. On voit l’ecran s’eclairer. Le speaker explique chose aux spectateurs dans le langage gestuel destine aux sourds-muets. Pas de son.  L’homme entre dans la chambre. Ses cheveux sont ramenes en arriere. Il s’assied sur le plancher et regarde l’ecran.
LUI:  L’anivers est grand, mais pas d’endroit ou l’on puisse  s’isoler.
Il se leve et sort. Quelques secondes apres, il repparait avec une barre de fer a la main. Tres paisiblement, il frappe le poste d’en-haut. Une explosion. De la fumee. La jeune fille crie. Il retire avec force le fil electrique de la prise.
LUI:  Ils m’ont eu meme ici, salauds! Y aura plus de jour-naux televises, le protoplasme pourri et puant en fermentation, je vous echapperai melgre tout, droitiers, gouchictes, blancs, rouges!! Bourreaux et victimes, ca revvient au meme, deux faces d’une meme chose! Je n’y suis pour rien! Je ne veux pas choisir, je n’ai pas besoin de leur produit, ils me proposent – a moi!Le choix libre, mais mes illusions me sont plus  cheres que votre realite convertible!
L’homme se demene dans la chambre comme dans une cage, ouvre et referme avec bruit la fenetre, frappe du pied le poste fumant, la jeun fille glisse le long du mur pour s’affaisser sur le plancher, suit des yeux tous ses mouvements, doutant qu’il ait toute sa raison.
LUI:  Ilaveulent bien nous bouffer tous, nous faire une lobotomie... J’ai parfois envie de les prendre en  haine, maie je n’y arrive pas. Qui prendre en haine? Les mutants?! Non, je ne suis pas un asiant. Mais cette odeur infecte me rend fou. Ca pue. Mais cette odeur infecte me rend fou. Ca pue. Mais ca ne fait rien. Je degueule, donc je suis. Voila, je commence deja a parler avec des slogans.
Il se calme, s’assied a cote d’elle. Soudain, l’ampoule sous le plafond commence a clignoter, la lamiere tantot augmente tantot diminue d’intensite et enfin s’eteint.
Les voix dans la nuit.
LUI:  Merde!
ELLE:  Il y a des bougies dans la commode. Fais gaffe.
LUI:  Un instant.
ELLE:  Tu as des allumettes^
LUI:  Oui, dans ma capote, attends un instant. Silence! Qu’est-ce que c’est?
ELLE:  Ou ca? Ecoute!
Ils se taisent. On entend dans le silence quelqu’un marcher d’un pas leger en bas, deplacer des meubles. Une allumette s’enflamme, la jeune fille allume une bougie.
ELLE:  Ta as entendu quelque chose?
LUI:  Et toi?
La nuit. La bougie, mise dans le goulot d’une bouteille, brule au chevet du lit. Ils sont allonges, a demi-vetus, sous la couverture, leurs yeus sont ouverts. Le regard de l’homme est plonge dans le vide, droit devant lui, la jeune fille est couchee sur le flanc et fixe le mur. En bas, on entend de nouveau an bruit indistinct, le tintement de verre, quelqu’un glapit. L’homme, hesitant, sort du lit, s’approche avec precaution de la porte, la ferme vite. Ensuite, il apporte la  barre de fer et e ssaie de la mettre dans la poignee de la porte. La jeune fille, les cheveux ebouriffes, en chemise sur le  corps nu, s’approche de lui sur la pointe des pieds, essaie, non sans maladresse, de l’aider. Eclaires par la lumiere oblique de la bougie,  ils semblent apeures et pitoyables.
Le matin. L’homme est sur le balcon, il regarde tristement les cimes de sapins, mordille une allumette. Il crache et se met a pisser en bas, par-dessus la balustrade.
Le jour. La chambre. La jeune fille confectionne des bracelets avec des graines de verre. La barre de fer est toujours dans la poignee de la porte. L’homme revient dans la chambre, s’allonge sur le lit et se met a feuilleter un livre epais avec une couverture de samizdat.
ELLE:  Voila...
Une pause.
ELLE:  Est-il possible qu’ils ne nous laissent pas en paix meme ici? Peut-etre tout finira par s’arranger?
LUI:  Voila, ecoute. C’est trop beau, mais ils vivent dans de meilleures conditions. (Il lit). “Tout un chacun peut monter sur le trone et s’affubler de la couronne. Mais ce n ’est que le Roi qui peux quitter le trone et rendre la couronne. L’exil est la Patrie des Rois”/ (Il a un sourire ironique). Nous sommes donc dans notre Patrie.
Il se leve, s’approche de la fenetre.
LUI:  Et malgre tout, je voudrais monter dans un train sans payer ma place et foutre le camp d’ici... Pardon, mais je ne trouve pas d’autres mots. Et je n’en trouverai pas.
La jeune fille fume en silence, en regardant par la fenetre.
Le soleil se couche. L’homme est assis sur le plancher, il joue avec la corde au “berceau du chat”, il le fait machinalement mais rythmiquement. Un, deux, encore une fois. La jeune fille feuillette le livre epais. L’homme se leve, s’approche de la garde-robe et commence a la pousser vers la porte pour la barricader.
La nuit. La garde-robe est secouee par les coup venant du dehors. Des cris repugnants indistincts se font entendre de derriere la porte barricadee. Des coups sourds ebranlent la maison. La jeune fill regarde la porte sans en detacher les yeux, ses levres reument.
ELLE (murmur):  Seigner, sauve et protege-moi. Sainte Vierge, aide-moi, s’il te plait... Ou puis-je trouver refuge? Seigneur, apprends-moi a prier... Prie toi-meme dans mon sein...
Dans l’autre coin de la chambre, tournant le dos a la jeune fille, l’homme se tient, penche sur la glace, il fait des gestes qui se veulent magiques. Elle se tait et se tourne vers l’homme.
ELLE:  Que fais-tu? Que fais-tu la?
Il tourne vers elle son visage, extremement bleme, maquille comme celui d’une femme, ce qui le fait hautain ou tout simplement denue de vie. Il approche l’index des levres.
LUI:  Chut!
Soudain, il commence a chanter a mi-voix avec le meme enjouement denue de vie, en tapant du pied, puis en esquissant des pas de danse restant assis sur le lit et ensuite s’etant leve, comme dans un acces de folie.
LUI:  (en allemend):  Pauline war ein Dame
     Ein Dame, ein Dame
     Ein dar pikante Dame
     Ein Dame zur Plezir
     Da Vaden die Sifone
     Sifone, Sifone
     Da Vaden die Sifone
     Sifone zur Plesir
     Zum-zum.
Au debut, la jeune fille s’immobilise, ebahie, ensuite, se jette vers lui en sanglotant, le prend a la poitrine et se met a la secouer et a crier.
ELLE:  Il est devenu fou, cretin! Il se passe des choses tout autour et lui, il fait le con, cabotin, dingo, cingle, sinoque... J’ai peur moi, j’ai peur...
LUI:  j’AI PEUR AUSSI.
Il s’ecarte, efface avec son mouchoir le maquillage, en en laissant des traces bizarres sur le visage.
LUI:  Ce n’etait qu’une plaisanterie. Une mauvaise plaisanterie. Une petite blague.
Les bruits et le balbutiement indistinct s’apaisent, se retirent en bas, dans les pieces du rez-de-chaussee. La jeune fille anfouit son visage dans les genoux de l’homme, celui-ci caresse doucement ses cheveaux, le regard pionge dans le vide.
LUI:  Excuse-moi, ma petite, excuse-moi...
Ils sont toujours dans la chambre, d’une main, il lui caresse les cheveux, de l’autre, il verifie si son couteau est a sa place.
L’aube. Apres la nuit blanche, transis, ile sont assis sur le balcon. Le sac est pres d’eux, sur le plancher. Il porte sa capote.
ELLE:  C’etait notre dernier refuge. Ou aller maintenant?
LUI:  Droit devant nous, le monde est grand. Bon, je descends, il est temps.
Il enjambe la balustrade du balcon.
ELLE:  Combien de temps encore serons-nous farces de mener cette garce de vie?
LUI:  Jusqu’a la fin de nos jours, ma petite.
Un sourire ironique aux levres, il disparait derriere la balustrade. Il descend en mettant pied sur les panneaux de contre-plaque. Il apparte une echelle. La jeune fille descend l’echelle. Il s’en va sans se retcurner. Elle court pour le rejoindre, puis s’arrete et se tourne vers la maison. Elle la regarde. Elle leve la main et esquisse ou un signe de croix ou un geste d’adieu.

F I N

KUZNECOVSASHA@MAIL.RU