Les secrets du QG des espions du KGB

Ñåðãåé Æèðíîâ
Sergueï JAKOV (JIRNOV), Ancien officier de carriere de la Reserve speciale du KGB de l'URSS (la Reconnaissance clandestine)
 
LA MAISON QUI A ETE CONSTRUITE PAR LES TCHEKISTES

Enquete journalistique


Le bon peuple de l’URSS se moquait toujours impitoyablement de la fameuse tendance espionnite du regime bolchevik et des revers de cette medaille – de l'observation demesurement rigoureuse de certaines mesures de confidentialite dans une pagaille communiste totale et de la divulgation de facto de nombreux secrets d’etat qui, du coup, devenaient completement caducs et se transformaient en secrets de polichinelle.

Dans la bonne vieille blague sovietique sur les barbouzes, un envoye secret de la CIA arrive en cachette et avec une multitude des precautions dans une ville fermee en URSS pour reprendre contact avec un agent ultra confidentiel, infiltre clandestinement derriere le Rideau de Fer et « dormant » depuis des decennies. A la tombee de la nuit il sonne a la porte d’une planque dans un immeuble delabre. Sur le seuil de la porte de l’appartement il voit apparaître une sorte de gugusse abject, ivre mort et mal rase, en calecon sale. L’envoye de la CIA, un peu surpris par les apparences trop pittoresques de son homologue clandestin, prononce neanmoins la phrase codee : "Les elephants vont vers le Grand Nord". Mais a la place d’une reponse codee convenue, l'agent secret occidental entend avec stupefaction : "Tes elephants de merde vont se faire foutre ! J’en ai ras le bol de ces barbouzes de la CIA, putain ! Alors mec, si tu veux voir ce sale traître d’Ivanov qui vous vend des secrets de la Mere Patrie, il habite a l’etage en dessous! Combien de fois encore il faudra vous le dire ? Tout le monde le sait sauf vous!"

De nos jours, seuls les paresseux ne savent pas que le Quartier General du Service de la reconnaissance exterieure (le SVR) et les datchas pour son corps des officiers generaux se trouvent dans une pretendue "zone sanitaire" au Sud-ouest de Moscou, dans la proche banlieue de la capitale russe entre l’ancien sovkhoz Kommounarka, le village de Batchurino et le parc forestier de Boutovo.

Nous n'avons pas eu la paresse d’effectuer en 1998 quelques recherches inoffensives sur Internet (par definition, le plus large reseau mondial accessible a tous) et ont decouvert tranquillement un projet formidable commun de la Mairie de Moscou et du Service federal du cadastre de la Federation de Russie consacree au 850eme anniversaire de la ville de Moscou. A cette occasion, encore en 1997 une prise globale de vues aeriennes de tout Moscou avec le referencement GPS (a propos - donc, a l'aide des satellites-espions des USA) du territoire municipal a ete realise et les deux institutions, trop fiers de leur realisation moderne, n’ont pas manque de publier en libre acces et en toute innocence, entre autres, la photographie aerienne du Quartier general ultra confidentiel du SVR a Yasenevo sous l'euphemisme « l'ensemble des locaux  au Sud-ouest de la capitale » ! (Apres notre publication de cette remarque en 2000, le Site mentionne a mysterieusement disparu, mais nous avons garde les anciennes sauvegardes comme preuves).

En 1999 nous avons realisee sur le terrain une tres simple experience pratique avec une equipe de tournage du programme Les scandales de la semaine de la societe de production VID de la television nationale russe. Effectuant un rapide sondage dans les rues du quartier Yasenevo – Tarousskaya et Yasnogorskaya – pour savoir si l’emplacement territorial du QG du SVR est si confidentiel que ca pour les habitants de Moscou, nous avons trouve litteralement en espace de 5 minutes quelques dizaines de petits morveux, de jolies blondes ecervelees et de mamies decrepites qui, sans reflechir une seule seconde, nous ont, tous sans exception et exactement, montre du doigt l’affreuse tour de 22 etages du SVR plantee dans les bois juste de l’autre côte du Grand Koltso – le peripherique exterieur de la ville de Moscou.

Apres plusieurs dizaines de transfuges en Occident parmi les eclaireurs les plus haut places dans les annees 1990, apres un nombre incalculable de reportages televisuels, de livres et d’articles de presse au sujet de la Reconnaissance sovietique seulement le dernier des imbeciles peut encore faire semblant qu’il reste quelque chose de confidentiel au QG de Yasenevo. Des imbeciles pareils existent neanmoins dans le service des ressources humaines et  le centre des relations publiques du SVR. Pourtant encore en 1996 la Reconnaissance elle-meme a produit un CD-ROM officiel destine au grand public et diffuse librement, sur lequel etaient representes les details les plus sensibles de l’emplacement territorial de la taniere des barbouzes sovietiques et le systeme tres sophistique et echelonne de la protection du site « confidentiel » du SVR. Apres cela, il est tres difficile d'etonner le lecteur initie.

Mais nous allons quant meme essayer de lui faire voir quelque chose d’encore plus exclusif !

Par exemple :

·         Un parc prive ou nos barbouzes emerites a la retraite se promenent librement et prennent l'air frais : un terrain forestier d’une superficie de 2,8 hectares, situe dans le quartier n°20 du parc Valouyevsky de la capitale de notre Patrie, appartenant a la maison de retraite des veterans de la Reconnaissance.

·         Un immeuble d'habitation qui a ete construit par les barbouzes : le corpus n°1 de la rue de l'Academicien Annokhine, dans le secteur n°2 du quartier Troparevo-Nikoulino du District administratif Ouest de la ville de Moscou.

·         Un second immeuble d'habitation qui a ete construit par les barbouzes : le corpus n°7 du secteur n°3 du quartier Brateyevo du District administratif Sud de la ville de Moscou

·         Une troisieme maison d'habitation qui a ete construite par les barbouzes : le corpus n°10-bis de la rue Reoutovskaya du quartier de Vechniaky du District administratif Est de la ville de Moscou.

·         Ou encore, un immeuble d'habitation qui seulement va etre construit par les barbouzes : la parcelle constructible n°91 de la rue Profsoyuznaya du quartier Konkovo du District administratif Sud-ouest de la ville de Moscou.

Apres l’enonce provocateur de cette liste tout aussi incroyable que precise, le lecteur a dû certainement penser que nous sommes en train de plaisanter. Eh, ben, pas du tout ! Ce n’est pas une blague ! Nous sommes parfaitement serieux ! Aux adresses exactes susnommees les agents secrets du Service de la reconnaissance exterieure de la Federation de Russie (le SVR), anciens et en fonctions, comme de simples citoyens anodins, resident en masse compacte et se promenent ouvertement parmi nous !

La personne meticuleuse connaissant la capitale russe a dû deja remarquer que toutes ces adresses se trouvent dans les quartiers de Moscou geographiquement tres proches de Yasenevo – juste un peu a gauche ou un peu a droite sur le plan de la ville. Eh bien, cela est clair - pourquoi faire perdre aux eclaireurs le temps personnel precieux pour de longs trajets fatigants entre leurs lieux de travail et de residence ? Certes, il aurait mieux valu vivre directement a Yasenevo, juste en face du QG du SVR. Meme si une telle residence peut faire "griller" tout de suite un agent secret, il est par contre si confortable et si pratique de prendre des repas a la maison, a deux pas du boulot ! Heureusement les barbouzes russes ne sont pas encore omnipotentes.

Quoi que … La, on parle seulement de barbouzes de rang. Les generaux, eux, ont reussi a contourner les regles de securite en faisant construire leurs datchas dans le bois juste derriere le QG. Mais ce sont les generaux ! Quod licet Iovi non licet bovi. Que de charme pour un grand communiste officiellement collectiviste a habiter en prive les petites villas individuelles fleuries a 5 minutes de marche a pied du travail au service du peuple ! L’ancien patron du SVR Evgueny Primakov (plus tard devenu le ministre des affaires etrangeres et le Premier ministre) l’a si poetiquement raconte dans ses memoires. Cela lui plaisait tellement qu’il a longtemps conserve illegalement sa datcha, ayant demissionne du poste de l’espion en chef et travaillant deja dans la diplomatie place Smolenskaya, et etait oblige de la quitter a contrecœur puisqu’il ne pouvait plus l’occuper sans se compromettre.      

Quoi qu’il en soit, les immeubles d’habitation aux adresses susnommees appartiennent reellement au SVR. C’est un fait etabli (nous expliquerons plus tard comment). Quelqu’un qui connaît les pratiques sovietiques, sait qu’il y a une certaine logique dans l’obtention des permis de construire dans une economie planifiee et centralisee, « le rapprochement du lieu de residence a celui de travail » etant toujours l’argument le plus pertinent a n'importe quelle discussion sovietique au sujet de la planification de la construction immobiliere ou de l'echange d'appartements entre les particuliers. Un ministere qui a obtenu le permis dans un endroit, peut relativement facilement continuer a le faire encore et encore, compte tenu des relations personnelles qui s’installent avec les fonctionnaires dans les nombreuses structures administratives locales, corruption omnipresente etant la regle majeure de tout regime totalitaire, centralise et paternaliste.

Donc, sans trop risquer de commettre les fautes de jugement, il est tout a fait possible d’extrapoler les premiers resultats de notre enquete. Nous affirmons haut et fort que le SVR, en violation des regles de securite, a construit beaucoup d’immeubles d’habitation pour ces personnels a peu pres dans les memes endroits d’une maniere dangereusement compacte. Il suffit de prendre les adresses deja publiees plus haut, d’aller sur place et de continuer a chercher avec un œil bien entraîne dans les maisons voisines a celles indiquees par nous ou dans les quartiers limitrophes les signes exterieurs d’appartenance des locataires d’autres immeubles a la secte pretendument ultra secrete des barbouzes (et de tels signes existent en verite). Nous sommes prets a parier que les resultats seront plus que surprenants.

Mais il n’y a pas que ca ! Les barbouzes ont les familles (qui les rendent vulnerables), utilisent les voitures, etc. Avec les moyens informatiques actuels, il est parfaitement concevable de recouper les numeros des plaques d’immatriculation et les marques de voitures couchant la nuit aux adresses indiquees par nous avec celles qui seront ensuite parquees le jour, aux heures de bureaux, sur le parking sauvage le long de l’avenue Karamzine ou des ramifications du peripherique exterieur, juste a la proximite immediate de l'entree dans "la zone sanitaire" des QG du SVR, toujours en violation des regles le plus elementaires de securite (en Russie les regles ecrites, meme de bon sens, ne sont faites que pour etre transgressees). Apres un pareil recoupement l’on pourra tenir pour doublement etabli le fait de l’appartenance des proprietaires de tels vehicules aux personnels du SVR ce qui est, en principe, classe confidentiel defense.

Le directeur du Service federal du contre-espionnage russe (FSB) Patrouchev et le procureur general Oustinov ont certainement deja tendu la main pour saisir le telephone rouge afin d'ordonner dare-dare l’ouverture d’une information judiciaire au chef d’accusation de la divulgation des renseignements contenant les secrets d'etat (art. 283 du Code penal de la Federation de Russie). « Foutez-le a la prison Boutirskaya, ce salopard de traître ! » Les groupes d’intervention, armes jusqu’aux dents et masques comme de vulgaires terroristes pour garder l’anonymat dans les violations des droits de l’homme (en conformite avec la nouvelle coutume russe), sont deja en route pour arreter et emprisonner d’office l’auteur de ces lignes subversives obtenues certainement par les procedes criminels.

Et bien, nous allons les decevoir, nos chers « defenseurs » de l’ordre public (lire, du regime en place) avec leurs matraques, masques et les procedures penales. Dans l’immediat ils ne pourront rien faire contre nous, au moins legalement. Tous les renseignements que nous venons de publier, bien que rares et spectaculaires, sont formellement ouverts au grand public et non classes. Nous les avons obtenus suite a une enquete journalistique pas tres compliquee et tout a fait legale a partir des documents non confidentiels publies dans les recueils officiels des actes du pouvoir executif de la ville de Moscou, consultables pour la plupart en libre acces ou meme sur Internet. Le parking non autorise pour les voitures personnelles des agents speciaux a ete decouvert par nous par hasard lors du tournage de l’emission sur le SVR en ete 1999. Il n’est pas protege, se trouve sur le territoire municipal accessible a tous, et n'importe quel passant peut facilement et sans violer la moindre virgule du Code penal retenir, voire meme photographier ou scanner, les numeros des plaques mineralogiques de vehicules prives des barbouzes, ainsi que les visages, senses rester secrets, des occupants de ces voitures.

On va proceder par ordre, mais ouvrons d'abord une petite parenthese lyrique.

Des gens normaux ont d’habitude une vision beaucoup trop romantique de la vie des eclaireurs. Tout comme le president Poutine en personne dans sa tendre enfance (ce qui l’a reconnu lui-meme dans ses memoires), un petit bourgeois sovietique tire ses jugements sur la profession d’espions de son pays uniquement des livres et des films tels que L’ecran et le glaive, L'exploit de l'eclaireur, Les 17 instants du printemps, Nom de code « Le Tourbillon », La saison morte, etc. Dans ces œuvres certes talentueuses de la propagande bolchevique nos chers espions sont representes comme des especes de supermen ayant consacre toutes leur vies jusqu’a la derniere goûte de sang au noble metier d’eclaireur, sachant anticiper tout et toujours, jusqu’au moindre detail.

Completement pris dans cette agitation romanesque, peu de gens reflechissent a la question sur la vie privee quotidienne de nos chers eclaireurs, de ces chevaliers modernes heroïques de l'impermeable et du poignard, en dehors de leurs durs labeurs d'espions. Il semble a la population naïve, l’on ne sait pas pourquoi, qu'au retour de nos tchekistes au bercail des missions perilleuses a l’etranger, pour ainsi dire du front de la lutte armee et impitoyable avec la contre-revolution mondiale, la Mere Patrie reconnaissante les place soigneusement, pour qu’ils puissent se reposer et se ressourcer, dans de pretendus centres de formation continue n’existant sur aucune carte (quelque chose d’intermediaire entre une maison prisee de repos du Comite Central du Parti communiste de l'Union Sovietique et un institut secret de recherches).

Pourtant ce mythe exalte sur nos vaillants tchekistes a ete serieusement ebranle a l’aube des annees de la perestroïka, quand on a montre pour la premiere fois dans l’histoire de la propagande sovietique aux millions de spectateurs naïfs dans un film remarquable et tres touchant Le meurtre a la station de metro « Jdanovskaya » comment les flics ripoux ignobles du metropolitain moscovite ont battu a mort et laisse crever a petit feu un brave Commandant du KGB qui rentrait pompette chez lui apres une soiree copieusement arrosee avec les collegues, ayant pris par megarde cet eclaireur valeureux pour un simple clochard. L’on voyait pour la premiere fois qu’un tchekiste heroïque du KGB omnipotent pouvait etre faible et vulnerable comme le commun des mortels aux heures des loisirs. Mais bien evidemment cette œuvre majestueuse propagandesque a ete concue pour manipuler l’opinion publique a l’epoque des grandes purges par les successeurs d’Andropov des consequences de la mainmise totale sur la police nationale du beau-fils de Brejnev Tchurbanov et de son protecteur de ministre Tchelokov (suite a quoi Fedortchouk, un general quatre etoiles venu du KGB, a ete nomme a la tete du Ministere de l’interieur).

Alors qu’un petit bourgeois russe lit dans nos journaux modernes qu’un vaillant lieutenant-colonel du SVR, pour ainsi dire un superman en chaire et en os, a ete vulgairement egorge presque par hasard, suite a un banal conflit de voisinage de bas etage dans la cour de son propre immeuble d’habitation a Moscou par un minable SDF bourre, sous les yeux d’un copain tchekiste, non moins vaillant mais completement depasse par les evenements, avec lequel le brave collaborateur secret (a l'ancienne maniere, seksote) buvait paisiblement de la biere, le lecteur ne peut pas le croire.

Ce n’est possible ! Un eclaireur ne peut pas habiter dans un immeuble ordinaire a Moscou, la ou il y a des SDF bourres ! Et meme si par le plus grand des hasards, un eclaireur s’etait retrouve dans un endroit pareil, il aurait anticipe, prevu, evite, tourne a son avantage n’importe quel evenement facheux ! Au pire il aurait aneanti son agresseur par un regard sans meme utiliser la force brutale ! Oh, ces journalistes de la presse a scandales ont dû certainement monter la mayonnaise pour faire vendre leur papelard ! Sinon, sous l’apparence trompeuse d’un SDF se cachait certainement un agent perfide ennemi a la solde de la CIA envoye specialement dans notre pays pour sournoisement pieger et lachement assassiner nos eclaireurs heroïques au moment de leur repos legal ! Ce n’est pas possible autrement ! Ces journaleux de merde ne nous auront pas avec ces balivernes ! Nous, on n’est pas ne de la derniere pluie !

Nous sommes desoles de les decevoir, nos chers idealistes reveurs. Mais les eclaireurs, dans leur grande masse, a l’exception eventuelle des rares collaborateurs de la Reserve speciale (de la Reconnaissance clandestine – elite des elites), sont en temps normal les memes citoyens des plus ordinaires, comme nos chers lecteurs. Les "barbouzes" vivent paisiblement a nos côtes (immediatement vient a l'esprit le cliche "les heros sont parmi nous") et se heurtent aux memes problemes quotidiens de la vie courante : eux aussi ont tres souvent un petit salaire, qui n’est pas toujours paye a temps, leurs epouses souvent ne travaillent pas et leur menent la vie dure, leur progeniture est aussi parfois de la mauvaise graine - des adolescents aussi boutonneux que ceux des citoyens sovietiques "normaux", des petits merdeux bagarreurs et mauvais eleves a l'ecole.

Un des problemes majeurs consiste en fait que nos eclaireurs souvent n’ont pas de logement a eux a Moscou. En effet, comme l’a avoue en 1999 tres sincerement dans une interview au journal Izvestia le general du SVR Gribine, a l'epoque - le recteur de la soit disante academie de la reconnaissance exterieure (AVR) - nos eclaireurs en majorite sont originaires des provinces russes eloignees, des etrangers tres mal acceptes par les autochtones privilegies de la grande et guindee capitale de Russie, des provinciaux (en russe - limita), des ploucs sans toit, qui seuls acceptent encore d’etre mutes pour suivre les etudes dans cette academie de second plan qui depuis bien longtemps est boudee par les brillants enfants des familles moscovites prosperes et pretentieuses, diplômes des vraies Grandes ecoles superieures de la capitale russe, voire meme etrangeres, qui quelques decennies auparavant formaient le noyau du Service secret, mais qui ne sont plus motives a faire carriere dans cet organisme prestigieux autrefois, devenu improbable.

Certes, l'etat russe proclame pompeusement qu'il se soucie vachement, materiellement et socialement, de ses eclaireurs. Une loi speciale a meme ete votee a ce sujet. Pensez-vous qu’au moment de leur titularisation professionnelle l’on donne a tous les eclaireurs sans foyer les certificats speciaux prevus par cette fameuse loi pour qu’ils puissent acceder en priorite a l’acquisition des logements sociaux ? Tu parles ! Notre etat est lache, bidon et radin (l'abstraction faite de la decoration indecemment grandiose de la Maison Blanche et du Kremlin, restaures par les soins douteux de Pavel Borodine, l’ancien majordome, magouilleur et corrompu, du president Eltsine, grace aux trafics avec le milliardaire suisse Paccolli ; rappelons en passant que Vladimir Poutine, avant de devenir le chef de l’executif russe, a ete pendant un certain temps l’adjoint de Borodine). Donc, entre les declarations de notre etat et leurs realisations reelles il y a deux grandes differences, comme le disent les vieux juifs a Odessa.

Alors toute nouvelle recrue, qui a son arrivee dans les rangs des barbouzes ne possede pas son propre logement a Moscou, se fait inscrire solennellement, comme dans les autres ministeres a petit budget, sur les listes des otcheredniks : les listes d’attente pour l’octroi gratuit par l’etat d’une surface habitable privee dans les HLM Cette liste, il est clair, est tres longue (pour rester objectif, il faut preciser que cette attente sera quand meme un peu plus courte que celle des fonctionnaires de certains autres organismes publics). En attendant, il faut louer un appartement dans le domaine prive a libre concurrence ce qui revient tres, tres cher a Moscou (beaucoup plus qu’a Paris, par exemple).

De toute facon, pour sortir de cette impasse (comme disait Boulgakov, c’est exactement la question des logements qui a irremediablement corrompu le bon vieux Moscou) il reste pour un eclaireur professionnel une alternative suivante :

·         Soit d’attendre pendant des annees et des annees en esperant que le fameux appartement gratuit de l’etat sera attribue tôt ou tard (plutôt tard que tôt) precisement a toi et non pas a ton superieur hierarchique ou a ton collegue de bureau plus meritant ou debrouillard, en entreprenant constamment des intrigues malpropres diverses et variees pour eliminer de ton chemin les concurrents potentiels (pour comprendre ou cela peut mener en URSS meme les bons communistes il suffit de se rappeler l’excellent film de Ryazanov Le Garage).

·         Soit de trouver le moyen pour partir en mission a l’etranger, de preference pour un long sejour dans un pays capitaliste, ou en 3-4 annees, par le biais de privation totale de toute ta famille qui va lamentablement se nourrir de conserves minables amenees du pays, tu arriveras a mettre de côte un peu de fric en devises etrangeres fortes ce qui te permettra a ton retour a la Mere Patrie d’acheter eventuellement un merdique appartement prive en copropriete (beaucoup plus cher car non subventionne par l’etat) ou d’arriver a echanger ton vieil appartement provincial au fin fond de la Russie profonde (si tu en as un) contre un moindre logement plus pres de la capitale (en payant au noir des pots de vins et des supplements fous, tout en perdant en superficie et en qualite, et meme en risquant ta vie - ces derniers temps l’on a vu sur le marche de l'immobilier russe quelques histoires completement morbides des escroqueries contre lesquelles ne peut pas garantir meme l'appartenance aux effectifs du SVR, cet organisme muscle de l’ordre public).

Sinon, tu peux aussi essayer de « vendre la Mere Patrie » - troquer les secrets d’etat auxquels tu as acces contre les 30 pieces d’argent aux barbouzes du camp adverse pour acheter un toit dans le monde occidental. Mais la, si tu te fais prendre, tu risques de gagner pour plusieurs annees un tout petit surface habitable dans une prison russe voire meme dans les Cieux (car le taux de suicides parmi les condamnes a de longues peines, que l’etat devrait loger et nourrir, est etonnamment eleve dans le systeme penitentiaire de ce pays qui a opte pour un moratoire provisoire de la peine capitale). Et rien ne garantit que les barbouzes capitalistes seront plus honnetes que les escrocs russes lors d’une transaction assez improbable et dangereuse.

Apres l'introduction du capitalisme d'etat dans notre pays et l'arrivee a la tete de la  Reconnaissance d’un academicien orientaliste [Primakov], un certain general de division Ivan Gorelovsky est venu avec lui pour devenir le manager technique du SVR, adjoint du Directeur charge d’approvisionnements (Mon Dieu, quel pays - la Russie ! Ici un empereur peut avoir le grade militaire de Colonel, un president et commandant en chef supreme – celui de Lieutenant-colonel en reserve, mais le majordome du SVR porter les epaulettes d’un general !), un personnage fascinant qui pouvait litteralement glisser dans n’importe quel trou sans savon et lequel a ete decrit par Primakov d’une maniere si flatteuse dans le livre de Mletchine.

Le general Gorelovsky etait sense de gerer l’existence economique et sociale du SVR. Il devait demontrer les miracles de la debrouillardise pour qu'avec les annees la liste d’attente de logements parmi les eclaireurs n'accroisse pas trop rapidement, malgre la liquidation du G-3 : Gossplan, Gossnab et Gosstroï de l'URSS. Il a mis en place un systeme D permettant, nonobstant les coupures budgetaires et autres complexites de la nouvelle Federation de Russie, d’approvisionner le SVR materiellement.  Il fallait entre autres trouver du logement pour les personnels de carriere de la Reconnaissance quelque part, en mendiant ou en passant de force. A Moscou on mendie d’abord et avant tout aupres des autorites locales : le Maire Ioury Loujkov et sa Mairie (que l'on appelle le Gouvernement de Moscou). C'est pourquoi l’on s’est tant rejouis a Yasenevo lorsqu’en automne 1999 Primakov, devenu Premier ministre, s'est politiquement rallie avec le gouverneur de la capitale russe dans le mouvement commun Otetchestvo a la veille des elections legislatives et presidentielles.

Quoique les relations intimes entre Evgeny Maksimovicth et Ioury Mikhaïlovitch ont existe depuis pas mal de temps, pour le plus grand bien des barbouzes du SVR. Une petite liste des documents de la Mairie de Moscou en temoigne :

·         L’ordonnance n°526 du Gouvernement de Moscou du 22 mai 1997

·         La decision n°602 du Maire de Moscou du 23 juillet 1997

·         L’ordonnance n°92 du Gouvernement de Moscou du 9 fevrier 1999

·         La decision n°134 du Maire de Moscou du 3 fevrier 2000

Le lecteur ici pourrait nous poser la question parfaitement legitime : eh bien, ou est le crime dans tout ceci ? Est-ce l’on refuse aux eclaireurs un droit constitutionnel au logement ? Bien sûr que non ! Le probleme est ailleurs.

L'article n°18 de la loi federale russe n°5-FZ du 10 janvier 1996 relative a la Reconnaissance exterieure instaure la norme juridique selon laquelle l'appartenance des individus concrets aux personnels de carriere de la Reconnaissance exterieure est classee secret d'etat. La violation de cette regle est severement punie. C’est la ou le bas blesse. Le legislateur a laisse l'application pratique des dispositions de cet article au directeur du SVR en personne ce qui deja est critiquable a cause d'absence evidente de mecanismes efficaces du contrôle public et d’un probleme ethique manifeste car l’on ne peut pas etre juge et partie dans une democratie normale.

Le general de corps d'armee Troubnikov, licencie du poste du Directeur du SVR en 2000, comprenait a son epoque ces prerogatives d’une telle maniere austere et restrictive qu’il a ordonne en 1999, meme en contradiction avec la loi federale relative aux secrets d'etat, le classement illegal retroactif d'un petit papelard de merde qui certifiait tout simplement le fait qu'en 1984-1987 un certain ancien collaborateur de la Reconnaissance, depuis longtemps dans la reserve et hors du service actif, a suivi des cours de formation a l'institut Andropov Decore de l'ordre du Drapeau rouge du KGB de l'URSS dans la filiere anodine Les relations internationales. Le general Troubnikov pensait, paraît-il, qu'il valait mieux faire trop dans le domaine securitaire qu'executer a la lettre les exigences de la legislation russe en vigueur ou les regles du bon sens. Logiquement, si le SVR comprenaient si strictement la necessite de garder confidentielle l'appartenance aux effectifs de la Reconnaissance meme d’un ancien agent isole, il etait absolument hors de question de publier ouvertement les documents officiels concernant le domicile reel de centaines des personnels en fonctions. Mais dans la vie, comme vous voyez, tout n’est pas logique.

A present voyons vers quelles consequences nefastes peut potentiellement mener (si ce n’est deja fait) la publication dans les moyens de communication en libre acces des decisions ci-dessus enumerees de la Mairie de Moscou, realisee visiblement avec le concours des hauts fonctionnaires du Service de la reconnaissance exterieure (avec l'intention criminelle ou tout simplement suite a un manque de discernement).

Il est evident que l’infiltration de la Reconnaissance russe, la collecte et l'analyse de l'information sur ses personnels operationnels, en service ou anciens, les membres de leurs familles, dans le but de trouver les defaillances ou les vices qui pourraient les inciter a une collaboration criminelle avec les services secrets des puissances etrangeres adverses (en priorite des USA et des pays de l'OTAN) est une des taches prioritaires de l’espionnage et contre-espionnage occidental. Il est clair qu’il est tres difficile de penetrer physiquement derriere l'enceinte ultra protegee du Quartier general du SVR a Yasenevo pour contacter eventuellement les agents porteurs de secrets d’etat desireux de trahir.

Quoi que ce ne soit pas entierement impossible. Car dans cet ensemble immobilier tres vaste et complexe il faut entretenir des milliers de locaux, enlever les ordures, nettoyer les dizaines de sanitaires, rapiecer les kilometres de tuyauteries, reparer les vehicules et des ordinateurs en panne, approvisionner, fournir, raccommoder, etc. Toute cette multitude de taches quotidiennes necessite inexorablement des milliers de personnels techniques ou sous-traitants qui sont contrôles et payes plus ou moins bien. En realite beaucoup moins bien que les effectifs operationnels ou de commandement du SVR. Cela ouvre beaucoup de possibilites aux recruteurs adversaires malveillants.

Mais il est infiniment plus facile de realiser une approche des cibles potentielles sur les lieux de residence des eclaireurs. Ici le plus souvent il n'y a pas de protection armee, de coffres-forts, de contrôle de papiers. Comme nous l’avons demontre par les documents cites, les maisons d’habitation des eclaireurs se trouvent a Moscou melees aux domiciles de plusieurs millions d’autres moscovites. L’apparition physique dans ces quartiers somme toute anodins meme des espions occidentaux etablis en personne, travaillant sur le territoire russe sous les couvertures officielles diplomatiques, consulaires ou autres, peut etre tres facilement justifiable et justifiee (la visite des magasins, des restaurants, des marches et d’autres endroits de la vie courante).

Et lorsque notre propre Reconnaissance de son côte facilite cette tache des services secrets adverses en rassemblant elle-meme, par une negligence criminelle ou stupidite, des centaines et des milliers de ses personnels secrets operationnels avec leurs familles dans des endroits cantonnes bien definis et non proteges, tout en le portant pratiquement a la connaissance des parties interessees (avant tout, les services secrets occidentaux), alors les espions etrangers n'ont plus aucun autre effort a fournir qu’a se baisser pour cueillir les fruits mûrs.

Les postes auxiliaires n'attirent pas l'attention speciale des services de securite, mais donnent un libre acces au domicile des eclaireurs et leurs familles, leurs autos et meme vers leur corps. Dans les endroits de residence officielle dense des eclaireurs russes et dans toutes les institutions socioculturelles des environs les gens mal intentionnes pourraient recruter a leur guise des aides parmi des centaines de milliers de russes sans emploi prets a n'importe quel travail plus ou moins bien paye. Ces gens n’ont rien a perdre et tout a gagner en proposant leurs services a n’importe qui. Du coup les services secrets occidentaux peuvent aisement recruter des agents dans les rangs des employes municipaux charges de contrôle des habitants, serveuses des cafes, balayeurs et eboueurs, techniciens sanitaires, plombiers, serruriers, infirmiers et medecins des polycliniques, enseignants des ecoles primaires, des colleges et des lycees des environs, vendeuses des magasins, coiffeurs, masseuses et autres visagistes, etc., etc. Tous ces postes en Russie sont a tres faible salaire et a tres haute intensivite de travail, et l’on ne trouve pas facilement une main d’œuvre qualifiee locale. Cela devient un jeu d’enfant meme d’infiltrer un agent dans ce milieu.

Ce qui est etonnant c’est que les russes le savent parfaitement, car le KGB et les services speciaux des acolytes communistes de l’URSS avaient pratique cette meme methode et applique ces memes principes d’approche des cibles strategiques dans les environs des principales bases militaires americaines dans le monde entier. Seulement les americains n’ont jamais reunis tous leurs agents speciaux dans les memes quartiers a proximite du QG de la CIA a Langley dans l’etat de Virginie.

En connaissant les endroits exacts de la residence dense des eclaireurs et en utilisant les agents recrutes dans le secteur tertiaire, meme sans une qualification particuliere l’on peut facilement « loger », photographier les eclaireurs et les membres de leurs familles, etudier precisement les conditions de leur vie, les endroits des loisirs et tant d’autres moyens d’accroître les connaissances des cibles potentielles pour etablir avec sûrete ou confirmer leurs appartenance au SVR, voire meme a une subdivision particuliere avec une specialite linguistique et geographique, et recueillir la totalite des donnees biographiques et personnelles exploitables dans le but de les retourner ici ou ailleurs.

Truffez ces logements de moyens techniques modernes en violant leurs domiciles ou en utilisant les reseaux existants faciles d’acces (cable, Internet, telephone, electrique, etc.) et vous aurez une multitudes d’informations interessantes pour l'etude de la personnalite des eclaireurs et les membres de leurs familles dans l’intimite : les traits negatifs de leurs caracteres, la presence des conflits domestiques, des rivalites entre les collegues et les ambitions blessees, les motifs d’insatisfactions et le manque d’epanouissement dans la vie familiale ou professionnelle (ce qui reste un des plus forts motifs pour une trahison), la collecte des preuves compromettantes (des deviations sexuelles, des detournements de fonds, etc.). Malgre tout ce que l’on peut entendre sur les mesures de securite, ne sont pas tellement rares les eclaireurs qui apportent souvent des documents ultra confidentiels a leur domicile. Toutes ces informations pratiques peuvent donner les moyens d’approche offensive infaillible et de retournement secret efficace de l'eclaireur lui-meme ou des membres de sa famille pour acquerir de nouvelles sources d’information dans le milieu de la Reconnaissance russe.

Si nous n'avons pas commence a mettre tout ceci en pratique lors de la presente enquete journalistique pour prouver au lecteur la reelle faisabilite de telles activites, c’est uniquement a cause des considerations de notre securite personnelle : pour que le FSB et le SVR ne puissent pas nous coller sur le dos une accusation en activites illegales d'espionnage et de la haute trahison. Nous demandons donc a nos lecteurs de nous croire sur parole. Mais l'ennemi, comme on dit, ne dort pas, en revanche notre Reconnaissance manifestement se repose sur les lauriers des annees glorieuses sovietiques et se laisse visiblement aller.

C’est precisement afin d’eviter tous les dangers evoques ci-dessus et de pallier aux failles potentielles de securite dans les lieux de residence des agents secrets, meme sur le sol natal, que les eclaireurs doivent respecter tout un systeme complexe de mesures de protection preventive (conspiration comme on dit en russe, Dieu sait pourquoi) et de camouflage de leur appartenance au service secret pour cacher leur vrai metier de leurs propres parents, amis et voisins (les spectateurs occidentaux qui ont vu des films de fiction comme « True lies » ou « Nikita » nous comprendrons). Pour nos lecteurs russes nous nous permettons de citer un morceau assez volumineux du celebre roman de Youlïane Semenov Les 17 instants du printemps sur les aventures heroïques pendant la IIeme Guerre Mondiale de l’equivalent sovietique du James Bond occidental, un certain Colonel Maxim Isayev alias SS Standartenführer Max Otto von Stirlitz infiltre par Staline dans le cœur du Service d’espionnage politique du IIIeme Reich nazi.

« Stirlitz se rencontrait avec son indic Klaus toujours dans la petite villa au bord du lac. Il lui a fallu trois mois pour persuader le SS Obergruppenführer Pol [qui avait un grade dans les SS meme superieur que celui de son homologue du SVR russe Gorelovsky. - Notre remarque.] de lui obtenir un budget pour racheter cette maison aux enfants des danseurs de l'Opera tues dans un bombardement. La progeniture avait des exigences exagerees, et Pol, en charge de la politique economique des SS [Schutzstaffel] et du SD [Sicherheitsdienst] refusait categoriquement la demande de Stirlitz. « Vous etes devenus fou, - disait-il. Trouvez quelque chose de plus modeste. D'ou vous vient cet amour du luxe ? Nous ne pouvons pas gaspiller l'argent a droite et a gauche! C'est malhonnete par rapport a la nation supportant la lourde charge de la guerre ! »  Afin d’avoir le dessus, il a fallut a Stirlitz de se debrouiller pour amener la-bas le jeune et brillant chef de l’espionnage politique du Reichssicherheitshauptamt [RSHA ou la Direction generale de la securite du Reich]. Age de 34 ans, le SS Brigadeführer Walter Schellenberg a compris immediatement qu’il serait impossible de trouver un meilleur endroit pour les conversations avec les indicateurs vraiment serieux. Des hommes de paille ont signe l'acte de vente et un certain Herr Bolsen, le Directeur technique de l'entreprise populaire chimique portant le nom de Robert Ley, s'est vu octroye le droit d'utilisation de la villa. Il a embauche un gardien pour un salaire consequent et une bonne ration de guerre. C’etait le SS Standartenführer von Stirlitz qui se cachait sous le nom d’empreint de Bolsen. »

Nous attirons l’attention des lecteurs sur cette curieuse citation qui permet de constater un fait surprenant que pendant la IIeme Guerre Mondiale, une guerre de conquete, dans le cœur de l'Allemagne totalitaire fasciste l'appareil tout puissant des SS et du SD (dont faisait partie Geheimstaatspolizei -  la Gestapo) ne requisitionnait pas de l’immobilier sur une simple decision du Führer Adolf Hitler ou du SS Reichsführer Heinrich Himmler, n'organisait pas la construction massive dans des endroits cantonnes des immeubles d’habitation meme pour les besoins de l'appareil de repression (comme le fait de nos jours le SVR de la Russie liberale), mais degageait des budgets anonymes pour l'achat de l'immobilier operationnel confidentiel par les agents secrets sous les noms d’empreint pour que l’on ne puisse pas faire de l’approchement direct dudit immobilier operationnel ainsi secretement acquis avec ledit appareil secret de l’espionnage ou de contre-espionnage. Bien evidemment, en disant ceci nous ne cautionnons pas l’ideologie nazie ni les pratiques repressives du IIIeme  Reich, mais analysons ici, d’une maniere totalement apolitique et du point de vue strictement professionnel entre les espions, cette recherche perfectionniste allemande de la parfaite organisation de la securite du reseau confidentiel.

Pour changer completement d’epoque et de pays, nous voudrions savoir si nos lecteurs pourraient un seul instant imaginer dans un quelconque journal americain important une annonce publicitaire suivante : « La CIA cherche un investisseur direct pour la construction d’un immeuble d’habitation pour ses super agents. Les representants des contre-espionnages etrangers sont pries de ne pas se deranger. » Il faudrait etre completement cingle et irresponsable ne serait-ce que pour imaginer une chose pareille. Et bien, nos chers amis, des cingles de cette espece il y en a un paquet au SVR russe car une annonce publicitaire tres semblable a celle-ci a bel et bien ete publie par ce service secret bizarroïde dans un journal russe. Et ce n’etait pas un canular.

Nous savons que le budget de l’etat russe est vide [nous rappelons a nos estimes lecteurs que cet article a ete initialement ecrit en 2000 - notre remarque.]. Nous savons que les fonctionnaires du SVR ont des problemes financiers. Mais de la a le crier sur les toits en fournissant par la meme occasion un excellent motif de retournement des agents russes par tous les services secrets adversaires il y a quant meme des limites a ne pas franchir ! La Reconnaissance russe n'est visiblement pas preoccupee par de telles considerations futiles. Pourtant elle a depense tant d'energie stupide dans une lutte sans merci contre un de ces anciens agents pour l'empecher tout simplement de recuperer son vieux diplôme de merde! En revanche, non seulement elle ne met pas en place tout un systeme budgetaire pour permettre a ses effectifs secrets operationnels d’acquerir confidentiellement du logement prive dans les endroits eparpilles a Moscou, en respectant les regles strictes de securite et en occultant soigneusement leur appartenance aux personnels actifs du SVR, comme l'exige la loi federale russe, mais au contraire elle cherche publiquement et en son propre nom les sponsors prives pour le financement de la construction des immeubles d’habitation destines a ses agents ultra secrets (en proportion 35% : 65%). Et voila ! De la a se mettre dans la rue en mendiant il n’y a qu’un pas : Ohe, les braves gens ! Soyez genereux, donnez quelques kopecks aux vaillants espions pour leurs logements !

Il nous semble que la riche CIA (l’excedent primaire du budget des USA pour l'annee financiere 1999 a lui tout seul a ete superieur de trois fois a tout le budget de l’etat russe !) devrait vite creer une petite societe disons turque (nous rappelons que les entreprises de la Turquie – membre de l'OTAN – occupent une part tres importante du marche des BTP en Russie) afin de decrocher, avec l'argent des contribuables americains, toutes les offres publiques de construction a Moscou de logements sponsorises pour les collaborateurs secrets de la Reconnaissance russe.

Ce serait vachement pratique ! Comme ca l’on pourrait eviter les gaspillages et les pertes d’argent inutiles : implanter des micros et des cameras dans les plafonds, murs et planchers des les travaux de construction. A notre avis, le pauvre Services secret d’un etat pauvre devrait l’accepter facilement et meme avec l’enthousiasme. L’on pourrait, pourquoi pas, prevoir d’avance une espece de systeme d’autofinancement anticipe du coût des logements par une sorte de pre-vente aux americains des secrets d’etat russes voles par les agents du SVR ? L’on pourrait mettre des annonces dans les couloirs des immeubles : « Priere de deposer les documents confidentiels voles le mercredi ou le vendredi entre 22 et 24 heures dans la boîte a lettres prevue a cet effet ou les remettre a votre Syndic qui transmettra ».

En guise de conclusion, nous voudrions formuler encore une proposition qui nous a ete suggeree par la demande du depute du Parti agraire a la Douma Kharitonov concernant le retour du monument au fondateur de la Tcheka Dzerjinsky a son ancien emplacement au centre de la place Loubianskaya a Moscou en face du batiment du KGB. Il nous semble qu'il faut eriger ce Felix de fer non pas a la Loubianka, mais dans la cour de chacun des immeubles d’habitation des barbouzes du SVR que nous avons deniche lors de cette enquete. La presence d’un totem en fonte du premier chef et ideologue de la Tcheka servira d’un signe distinctif aux espions du monde entier travaillant a Moscou : c'est une maison qui a ete construite par les tchekistes.

Et alors la CIA, le Mossad et les autres services secrets occidentaux n’auront meme pas a lancer, a l’aide des moteurs de recherche sur Internet, les enquetes a la base d’une simple abreviation du SVR pour retrouver de nombreuses decisions de la Mairie de Moscou qui contiennent les adresses exactes de la residence compacte dans les endroits cantonnes des collaborateurs operationnels de la Reconnaissance russe.

08.07.2000, Moscou.
 
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